Les yachts «poussent» à Kénitra : L’économiste du 15 juillet 2008

Les yachts «poussent» à Kénitra :

 

L’économiste juillet 2008

 

Son promoteur fait le tour du monde avant de s’y installer. Un chantier pour bateaux de plaisance étalé sur 4 ha. Le Groupe Simon va construire 50 unités d’ici cinq ans Devant un atelier chaudronnerie, il y a parfois de quoi rêver! Surtout quand un magnifique yacht y est en construction. C’est un catamaran Arkona, l’une des trois marques attitrées du Groupe Simon. Chacune porte le nom d’un phare. «Au style minimaliste, le nom de ce modèle est celui d’un phare allemand. Cette “embarcation” à voile, composée de deux coques accouplées, coûte 38 millions de DH», commente le fondateur du Groupe, Luc Simon. Une holding de droit suisse qui compte 4 filiales, dont Team Industry SARL installée au port de Kénitra. Simon, ingénieur issu de l’école de Cachan, appartient à une génération où l’on ne formait pas encore des architectes spécialisés en construction navale. Sa chemise blanche et son pantalon noir distinguent discrètement une silhouette de rugbyman.

Natif de Cherbourg, il a vu naviguer le France, le fameux paquebot transatlantique mis à l’eau en 1960. Avant de s’installer à Kénitra il y a deux ans, il a fait le tour du monde des ports pour lancer son projet dédié à la construction de yacht. L’architecte a visité ainsi une centaine de pays: Afrique du Sud, Brésil, Algérie, Tunisie, Dubaï, Etats-Unis, Russie, Pologne… Le positionnement géostratégique du Maroc a fini par faire la différence. Sans compter aussi le fait que Kénitra est un «port propre»: la pêche est quasi inexistante. «Il n’y a donc pas d’odeur de poisson». De plus, le loyer du site est abordable: «100.000 DH par mois pour un terrain qui s’étale sur 4 ha, dont 10.000 m2 de surface couverte», explique le constructeur naval.

«Au début, l’idée de se lancer dans la construction de yachts à Kénitra paraissait folle», se rappelle-t-il. Mais il en fallait beaucoup plus pour décourager cet homme dont les traits rappellent un peu l’acteur français Jean-Paul Belmondo. Une poignée de personnes l’ont soutenu. Parmi eux, «la directrice de l’Anapec, Naïma El Harrar, qui m’a même prêté son bureau», poursuit notre entrepreneur aventurier. Et avant que le projet ne prenne sa vitesse de croisière, il a dû «camper» pendant un an sur le toit de son atelier!. 50 yachts Aujourd’hui, le carnet de commande du Groupe Simon explose et le chiffre d’affaires avec (près de 10 millions d’euros prévus pour 2008) .Quelques patrons du CAC 40 sont parmi les clients. Mais pas de Marocains pour l’instant. «C’est prévisible car 17 ports seront bâtis au Maroc», pronostique l’entrepreneur.

A l’international, le marché affiche un CA de plus de 16 milliards de francs suisses et une croissance d’une moyenne de 7% par an. Depuis l’année dernière, une douzaine de bateaux sont en cours de construction au lieu de trois prévus initialement. Le Groupe Simon ne compte pas s’arrêter là. D’ici 2013, ce constructeur de bateaux de plaisance envisage d’atteindre 50 yachts livrés. «Une nouvelle usine va prendre forme sur 10 ha. On attend encore d’obtenir l’autorisation du gouverneur de la province», affirme le constructeur.

Pour le moment, le chantier compte 4 ateliers: chaudronnerie/soudure; menuiserie/ébénisterie; matériaux composites; cuir/tapisserie, plus les bureaux d’études qui s’occupent des plans de construction et fixent la charge de travail. Ils se trouvent à Genève, Cannes et Rabat. L’équipe marocaine de Team Creation planche surtout sur le plan détaillé. Elle peaufine les paramètres techniques ou esthétiques, par exemple. Les trois bureaux sont reliés en webcam pour se concerter en temps réel sur chaque nouvelle modification.Le chantier emploie actuellement 220 salariés et chaque atelier a sa couleur: rouge pour la menuiserie, gris pour la chaudronnerie… Les deux jeunes balayeurs qui ont vu naître le projet sont devenus soudeurs. «Nous avons fait une formation en chaudronnerie avant de passer à la soudure», se rappellent Hicham Alam et Khams Ben Aïssa. Ce n’est pas les seules conversions du genre.

Un chaudronnier, peintre à ses heures perdues, est devenu dessinateur. L’entreprise cultive un certain melting-pot, 20% de l’encadrement est géré par des Marocains et 10% par des Européens. Mais lorsqu’il faut manager plus de 200 collaborateurs, ce n’est pas toujours facile. Il existe bel et bien un «choc des cultures», surtout si le boss est un Français naturalisé Suisse! «Le rapport que l’on a avec le temps n’est pas forcément le même». Luc Simon ne tarit pas pour autant d’éloges sur ses équipes: «Ils ont un savoir-faire ancestral et ressentent une fierté pour ce qu’ils font». «Luc Simon, fondateur du Groupe Simon, a un rêve: construire, même bénévolement, le Chebek, le fameux bateau des corsaires de Salé et dont la photo figure sur certains billets de banque marocains. «Ce projet a été malheureusement abandonné deux fois. Il y a 7 ans déjà, la Marine Royale voulait d’ailleurs en construire un«F. F.

source : L’économiste juillet 2008 (Édition N° 2820 du 15/07/2008)